Graves menaces sur le monde sauvage.
A La Haye jusqu'au 15 juin, la réunion des 171 pays de la Convention de Washington est essentielle pour l'avenir des espèces en danger d'extinction.
L'un pour les pseudos vertus aphrodisiaques de sa corne, l'autre pour l'ivoire de ses défenses, le rhinocéros et l'éléphant ont été longtemps les symboles de la cruauté et de la cupidité humaine. Vers la fin des années 1960, la chute dramatique des effectifs de ces deux espèces sur le continent africain avait été le déclancheur de la création, le 3 mars 1973, de la Convention de Washington sur le commerce international des animaux et des plantes menacés de disparition.
Plus connu sous l'acronyme Cites, cet assortiment de pays signataires est toujours l'un des rares garde-fous qui permet de gérer la "marchandise" que représentent les spécimens de flore ou de faune offrant un intérêt mercantile. De 80 Etats au départ, la Cites en regroupe 171 aujourd'hui. De 2 000 espèces animales et 10 000 sortes de plantes inscrites à sa liste rouge, celle qui interdit toute forme de commerce, la Convention protège actuellement 5 000 espèces animales et 28 000 espèces végétales. C'est dire la rapidité ave laquelle le monde sauvage s'étiole, malgrè les règles, les campagnes de sensibilisation du public ou les barrières douanières. Que faut-il donc attendre de la réunion de La Haye ? En premier lieu, une rallonge quasi certaine de la liste rouge, car de plus en plus de facteurs négatifs s'additionnent pour noircir le tableau de la biodiversité, notamment, et c'est la cerise sur le gâteau, le réchauffement climatique qui pourrait conduire, comme l'augurent nombre de scientifiques, à une sixième extinction massive avant la fin de ce siècle.
En second lieu, la conférence risque d'enclencher un énième processus de tractations entre les parties, car le négoce du vivant sauvage se chiffre en milliards de dollars. Ainsi, des pays comme la Namibie ou le Botswana, en Afrique australe, réclament-ils depuis longtemps le droit de vendre leur stock d'ivoire, car chez eux, l'éléphant prospère, grâce à une politique de protection efficace. Problème : le pachyderme est inscrit à l'annexe 1 de la Cites et son éventuel déclassement signifierait automatiquement une relance du braconnage dans tout le continent noir. Un simple changement de statut entraîne une catastrophe, car le trafic poloté par une kyrielle de réseaux mafieux, toujours aussi florissant, est à l'affût de la moindre faille. On a d'ailleurs souvent affirmé que le commerce illicite de la faune ou de la flore était aussi juteux que celui des armes et de la drogue. Dans ce contexte, la Cites tient en main l'avenir d'une foule d'espèces sauvages et d'une réunion à l'autre - les pays se retrouvent tous les trois ans - les enjeux varient.
"Cette année, nous allons demander le classement de plusieurs espèce de requins, en particulier le requin-taupe et la saumonette, dont les stocks se sont réduits de façon dramatique. Notre dossier est très "poisson", puisque nous avons aussi ajouté l'anguille européenne" , explique Christine Sourd, directrice de WWF-France.
On connaîtra d'ici une dizaine de jours le verdict de la Cites, mais quel que soit sa teneur, il ne réglera que très partiellement le facteur commercial de l'érosion du Vivant. Outre le changement climatique, la population, les invasions d'espèces exotiques et surtout la disparition des habitants naturels au profit de l'urbanisation ou de l'agriculture accèlèrent le mécanisme. L'exemple de l'orang-outang est révélateur : au début deu siècle dernier, on comptait environ 350 000 représentants de ces grands singes placides qui vivent dans les forêts de Bornéo ou de Sumatra. Avec l'explosion des implentations industrielles de palmiers à huile, la population de "l'homme de la forêt" comme l'appelent les habitants de ces îles indonésiennes, est tombé à moins de 3 000 aujourd'hui. Dans la plaine du Haouz, autour de Marrakech au Maroc, on construit actuellement une ville nouvelle de 150 000 logements sur les derniers espaces de vie de la tortue d'Hermann. Ces deux espèces sont classées en annexe 1 de la Convention de Washington qui n'a cependant aucun moyen de pression vis-à-vis des nécessités économiques des pays émergents en prise avec une pauvreté galopante et qui restent souverains chez eux. Comme le Protocole de Kyoto sur le climat ou la Commission baleinière internationale, la Cites est un outil à l'efficacité trop limitée pour répondre à la crise écologique mondiale. Mais elle a le grand mérite d'exister.
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(source : Patrice Costa ;l'Est Républicain du mardi 5 juin 2007)