Prêter attention aux pauvres de la rue.
(par P. Christian Delorme, prêtre à Lyon, France).
Chaque matin, en allant chercher son pain, Marie-Noëlle, dynamique septuagénaire, ne manque pas de saluer les deux pauvres hères qui mendient à la porte de la boulangerie. De temps à autre, elle leur donne soit une pièce de monnaie, soit une pâtisserie ou un plat cuisiné. L'autre jour, la commerçante s'est montrée agressive à son égard :
- Puisque vous les aimez tant, prenez-les donc chez vous ! C'est à cause de personnes comme vous que ces hommes viennent nous importuner en campant devant notre porte. C'est facile de faire la charité pendant quelques secondes, mais nous, c'est toute la journée et toute la semaine que nous devons les supporter avec leurs bouteilles de vin et toutes leurs saletés !
Bien entendu, l'interpellation a fortement ébranlé Marie-Noëlle.
- En croyant faire le bien à l'égard des uns, ne risque-t-on pas de provoquer des dommages à d'autres ? me demande-t-elle. A qui dois-je le plus d'attention ? A la boulangère ou aux deux mendiants ?
Trop souvent, nous oublions les pauvres et leur pauvreté, ou bien nous les fuyons. Ainsi le riche dont nous parle l'Evangile de Luc (16,19) qui "s'habillait de pourpre et de lin fin et qui chaque jour faisait brillante chère". Il ne pensait pas à Lazare qui "gisait près de son portail, tout couvert d'ordures". L'enseignement du Christ est sans ambiguïté : "Chaque fois que vous avez fait (le bien) à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." (Mt 25,40). Marie-Noëlle est certainement dans la voie juste quand elle se comporte avec générosité et respect avec les deux mendiants. Plus que ses dons d'argent ou de nourriture, ceux-ci apprécient probablement en priorité ses paroles d'amitié et son sourire. Il faut qu'elle continue dans cette attitude, mais en s'efforçant, également, de nouer une relation plus proche avec la boulangère. Quand celle-ci commencera à être apaisée dans sa relation à ceux qui aujourd'hui l'importunent, peut-être demain deviendra-t-elle capable de leur demander à veiller à la propreté du trottoir ?
(source : Pélerin n° 6485 15 mars 2007)