"Arrêtons de dessiner des patates !"
(par Aurélie Tournier, 28 ans, urbaniste des champs)
Juriste, elle est chargée de mission urbanisme au Parc naturel régional des Ballons des Vosges.
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Partout en France, des lotissements pavillonnaires défigurent les villages. Comment cela s'explique-t-il ?
D'abord, par des réglementations trop nombreuses. Le Code de l'urbanisme comporte de beaux articles comme le 121.1 qui pose le principe "d'une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels périurbains". Mais il est si complexe que les maires passent leur temps à se demander :
- Ais-je oublié telle réunion obligatoire ? Ceci est-il légal ?
Ensuite, par un urbanisme de "zonage". Faire grandir un village ou une ville, c'est souvent dessiner des "patates" les unes à côté des autres - zone résidentielle, zone industrielle... - sans aucun lien entre elles. Il n'est donc pas étonnant que le lotissement soit une "patate", posée à côté du village. Le maire - par manque de conseils - y impose généralement une "obligation de recul de 4 m par rapport à la voie". Autrement dit, des maisons plantées au milieu de la parcelle. Une catastrophe !
Ces lotissements standardisés, tous identiques de l'Alsace à la Bretagne, dévorent l'espace naturel de façon quasi irréversible. Au contraire des bourgs anciens, où l'habitat est dense, les maisons accolées les unes aux autres, agrémentées d'un petit jardin à l'arrière. Les vis-à-vis y sont moins gênants et les rues y ressemblent à des rues. Voyez Les Beaux-de-Provence ou le village d'Eguisheim, en Alsace.
La réglementation offre aux maires la possibilité de mieux faire pour peu qu'ils définissent, avec des spécialistes, des projets à long terme. Ils ne doivent pas hésiter non plus à refuser un permis de construire, en expliquant qu'il est possible de faire autrement. Or, souvent, ils n'osent pas, par peur des protestations ou recours juridiques. Ils ont aussi du mal à résister aux pressions qu'ils subissent pour rendre un terrain constructible. En tant que juriste, je leur dit :
- Vous êtes les gardiens de ce patrimoine qu'est le paysage ! Si vous avez un projet solide, vous serez à même de bien fonder votre refus et vous ne risquerez rien.
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(source : Pélerin n°6500 du 28 juin 2007)