Bretagne - Après les profanations d'églises.

Publié le par Michel Le Fouineur

Dans le Finistère, les communautés paroissiales s'organisent pour financer les restaurations des monuments profanés, en mai et juin (2007). Les coupables présumés, récemment interpellés, affirmant avoir agi pour combattre la "toute-puissance de la religion chrétienne".
*****
Immobile au pied de la chapelle de la Croix, Jean-Jacques, 43 ans, contemple les restes de cet édifice construit voici cinq siècles dans le bois de Baudriec, sur la commune de Loqueffret. Les vitraux pulvérisés et le sol jonché de poutres calcinées témoignent de la violence de l'incendie criminel qui a ravagé récemment la chapelle, classée monument historique depuis 1926.
- J'ai vu des flammes en allant le matin, nourrir mes vaches à l'étable. J'ai alerté les pompiers. Le temps qu'ils arrivent, la charpente s'était déjà écroulée. Je n'ai rien pu faire, raconte cet agriculteur, les larmes aux yeux.
Jean-Claude, le maire de Loqueffret, est tout aussi amer.
- Nous sommes soulagés que les coupables de cet acte odieux aient été arrêtés. Mais nous avons perdu quatre statues polychromes du XV e siècle. Rien ne remplacera jamais ces joyaux inestimables.
Loqueffret n'est pas le seul bourg victime des vandales. Les dégradations, débutées le 8 mai à Gouesnac'h, au sud de Quimper, ont duré un moi et demi.
- Alors que nous étions rassemblés pour une célébration au monument aux morts, nous avons appris que la croix du cimetière et notre calvaire classé avaient été jetés à terre. C'était un vrai massacre, raconte Guy Christien, le maire de Gouesnac'h.
Les malfrats ne s'en tiennent pas là. Quelques jours plus tard, un calvaire du XVIIe siècle est abattu à Langolen, en Cornouaille. La fontaine Saint-Côme-Saint-Damien est taguée à Plomeur, et une croix fracassée à Pleuven. La fontaine Notre-Dame de la Clarté est taguée à Combrit. Partout, les vandales signent leur passage avec une croix renversée, symbole sataniste, et de mystérieuses initiales peintes en noir : "TABM".
Sur place, quinze gendarmes enquêtent d'arrache-pied. Dans les villages, les paroissiens inquiets s'organisent.
- Nous avons demandé aux riverains de nous signaler tous les passages suspects, explique Jean Loaec, maire de Pleuven. L'arrestation, le 21 juin (2007) des auteurs présumés des faits, trois jeunes de 21 et 22 ans inconnus des services de police, provoque le soulagement général. Mis en examen pour "destruction par incendie en bande organisée" et "destruction volontaire de biens d'utilité publique", ils risquent vingt ans de prison.
Aujourd'hui, l'émotion reste vive dans les paroisses, où l'on s'interroge sur les raisons de ces actes. Dans une lettre adressée au quotidien Le Télégramme peu avant leur interpellation, les vandales se désignaient comme un "groupuscule extrémiste antiecclésiastique", le "True Armorik Black Metal (TABM). Ils prétendaient agir an nom du paganisme celte, dans le but de laver la terre d'Armorique des intrus qui y ont pris place sans le moindre respect pour nos racines celtiques." "Ils voulaient dénoncer ce qu'ils considèrent comme la toute-puissance de la religion chrétienne, et sa suprématie sur les rites païens anciens de la terre bretonne. Ils jugeaient anormal que les édifices religieux bénéficient de la mansuétude des pouvoirs publics, alors que les sites liés au culte païen ne reçoivent pas le même soutien financier", précise Anne Kayanakis, procureur de la République à Quimper.
Ces arguments font bondir les communautés catholiques du Finistère.
- Ces propos relèvent de l'idéologie. Nos communautés connaissent un renouveau depuis quelques années. Les pardons (procession festive et traditionnelle) attirent chaque année une foule plus nombreuse et des associations très actives entretiennent nos monuments, s'insurge le P. Jean-Paul Larvol, curé de l'ensemble paroissial Odet rive gauche.
En octobre 2006, le secrétariat général de la Conférence des évêques de France a pointé dans un document les dérives liées aux pratiques satanistes, en essortrès net dans l'Hexagone.
- L'an dernier, 172 profanations ont fait l'objet d'une plainte en France. La moitié était le fait de mouvances antichrétiennes à connotation sataniste ou néopaïenne. Le Finistère est particulièrement concerné par le phénomène, résume Jacky Cordonnier, historien des religions et membre du conseil d'orientation de la Mission inter-ministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).
- En Bretagne, la rivalité entre paganisme et chrétienté a longtemps été intense. Avec ses nombreuses légendes, la région est une terre propice aux pratiques occultes, ajoute ce spécialiste.
Au lendemain des profanations, les fidèles et les associations de défense du patrimoine ont mis les bouchées doubles pour réunir les fonds nécessaires à la restauration des monuments.
- La solidarité joue à fond. Nous avons reçu de nombreux dons, se réjouit Yves Guichoux, président des amis de la chapelle, à Loqueffret. Cette dernière, qui va être dotée d'une toiture provisoire, accueillera vaille que vaille son traditionnel pardon en septembre.
- Ce sera l'une des plus belles fêtes qui aient jamais eu lieu. Nous voulons prouver que malgré ce désastre, nous pouvons nous relever, en remettant notre chapelle debout.
*****
source : Elisabeth Petit ; Pélerin n° 6503 du 19 juillet 2007)
 

Publié dans actualité

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article