Pourquoi Marie-Eugénie de Jésus est-elle canonisée ?
Marie-Eugénie de Jésus (1817-1898), fondatrice des religieuses de l'Assomption, fait partie des quatre personnalités canonisées par Benoît XVI le 3 juin 2007. Qui était-elle ? En quoi son exemple et son message sont-ils d'actualité ?
¤¤¤¤¤ Ils étaient plus de 5000 pèlerins, ce 3 juin 2007, sur la place Saint-Pierre de Rome, pour honorer la canonisation de la bienheureuse Marie-Eugénie de Jésus. Venus du monde entier prier une religieuse du XIXe siècle que la mémoire chrétienne connaît encore mal, mais que l'Eglise a choisi d'élever au rang de sainte. Plus d'un siècle après sa mort, qu nous "dit" la fondatrice des religieuses de l'Assomption ?
Son message, son actualité, il faut d'abord les chercher dans une vie où la foi a triomphé des épreuves au coeur d'une époque qui ressemble fort à la nôtre. Anne Eugénie Milleret de Brou est née à Metz en 1817. Son père, haut fonctionnaire, est voltairien. Sa mère ne pratique qu'une religion formelle. C'est donc moins l'exemple familial qu'une expérience spirituelle qui la conduit à être une première fois saisie par Dieu, lors de sa première communion à Noël 1829. Son adolescence est ensuite marquée par les difficultés familiales : après la ruine de son père, ses parents se séparent. Elle suit sa mère à Paris. Cette dernière y mourra du choléra en 1832. Baignant dans une société superficielle, la jeune fille cherche alors la Vérité de manière intense. C'est en écoutant l'abbé Lacordaire prêcher le carême à Notre-Dame, en 1834, qu'Anne Eugénie retrouve une confiance en Dieu bien ébranlée.
- J'étais réellement convertie, écrira-t-elle plus tard.
Passionnée par le renouveau du christianisme de ces années-là, attirée par la vocation religieuse, elle fait la rencontre du père Combalot qui a le projet de fonder une congrégation dédiée à l'éducation chrétienne des jeunes filles de la haute société, sous la protection de Notre-Dame de l'Assomption. Elle choisit de le suivre dans cette aventure. C'est toutefois avec le père Emmanuel d'Alzon, futur fondateur des assomptionnistes qu'elle posera les bases de sa pédagogie. Marie-Eugénie - son nom de religieuse - n'a que 22 ans lorsqu'elle crée les religieuses de l'Assomption. Peu à peu commence l'aventure dees écoles, à Paris, puis en France et dans le monde. A sa mort, en 1898, la congrégation s'étend jusqu'aux Philippines et au Nicaragua. Avec cette passion de l'éducation partagée par toutes les communautés : "Rendre l'intelligence aussi chrétienne que le coeur."
Plus d'un siècle plus tard, l'institut de la rue de Lubeck (Paris XVIe arrondissement), fondé par Marie-Eugénie en 1882, accueille 1450 élèves - filles et garçons, de la maternelle au bac. Portant l'habit violet et blanc de l'Assomption (1200 soeurs dans le monde, dont 136 en France), soeur Cécile fait partie de la communauté présente dans l'établissement. A 39 ans, la religieuse ne se départit pas d'un vif sourire : est-ce l'approche de la canonisation ou bien la marque de ce "dégagement joyeux" auquel exhortait Marie-Eugénie ?
- Notre fondatrice nous a transmis une juste manière de se situer dans le monde, explique soeur Cécile. Elle invite à regarder les personnes et les événements comme Dieu les voit, avec espérance.
La religieuse souligne la grande ouverture au monde de Marie-Eugénie :
- Convaincue que l'éducation peut transformer la société, elle avait le souci d'être présente dans des réalités culturelles très différentes et se passionnait pour la vie politique de son temps.
Un engagement dans le monde qui nécessite un enracinement profond dans la vie contemplative. D'où l'équilibre, au sein de la congrégation, entre la vie apostolique, la vie communautaire et la prière. Un art de vivre qui peut toucher tous les chrétiens, au-delà de la vie religieuse :
- Dans une société où l'on est vite surchargé, cet équilibre entre action et contemplation est une réponse à la vie moderne, confie Olivier Legendre, consultant et père de famille, responsable des Amis de l'Assomption. L'importance qu'elle accordait à l'éducation me paraît aussi très adaptée à notre époque, ajoute-t-il. Elle avait compris que beaucoup d'inégalités prenaient leur source dans l'éducation.
Faire advenir le Royaume de Dieu, tout en aimant profondément son temps : la canonisation de Marie-Eugénie devrait donner un nouvel écho à cette spiritualité toujours actuelle.
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(source : Pélerin n° 6496 du 31 mai 2007)