Faire escale à l'abbaye de Lérins.

Publié le par Michel Le Fouineur

Dans la baie de Cannes, Saint-Honorat, l'une des deux îles de Lérins, abrite une présence monastique depuis seize siècles. Dans un cadre enchanteur et préservé, les frères cisterciens accueillent visiteurs et pélerins pour un temps de paix, de silence et de prière.
La brève traversée en bateau de Cannes à l'île Saint-Honorat se vit comme un symbole. Avant de poser le pied sur cette terre verdoyante de 40 hectares, il faut accepter de larguer les amarres. Se délester, si possible; de ses bagages superflus. Ici, aucune base de loisirs, aucune boutique de luxe, aucun festival de cinéma. Au loin, la promenade de la Croisette disparaît dans un autre univers. A Saint-Honorat, le temps est rythmé par la cloche de l'église abbatiale, qui sonne les heures et les offices religieux du jour et de la nuit. Prière et travail (Ora et labora) sont les maîtres mots des vingt-cinq moines cisterciens, seuls habitants de l'île.
Baignée de soleil, cette terre fut découverte au Ve siècle, sous le nom de Lérina, par Honorat (originaire des Gaules) en quête d'un lieu désert pour y mener une vie communautaire monastique dont il est l'un des pionniers en Europe. Progressivement et jusqu'au VIIIe siècle, le monastère rayonna sur toute la Provence et même au-delà, jusqu'en Angleterre. Appartenant à l'ordre cistercien depuis le XIXe siècle, l'abbaye de Lérins, en fidélité à la règle de saint Benoît, mit l'accueil au coeur de la mission des moines. Car Dieu est présent en chaque homme. Un devoir que rend plus aigu la proche Côte d'Azur, colonisée depuis plus d'un siècle par le tourisme. A quelques kilomètres seulement, du continent, Saint-Honorat offre un lieu de silence et de paix.
En logeant les vignes, dont le fruit assure la subsistance de la communauté, le marcheur plonge dans un bain de senteurs : eucalyptus parfumés, effluves de chèvrefeuille, pins résineux, herbes sauvages.
- L'île assure la survie du monastère, fait remarquer le père abbé Vladimir. Si nous étions installés en plein Cannes, la situation serait intenable ! Certes, le contraste est violent entre l'aspect paillettes de la côte et notre vie, reconnaît le père abbé, mais nous ne sommes pas en opposition avec ce monde-là. Il ne faut pas le diaboliser. Après tout, le Moyen-Âge n'était pas tendre non plus !
Si le patrimoine architectural attire de nombreux touristes, la prière des moines incite un nombre croissant de personnes à venir pour une retraite spirituelle. Logés à l'hôtellerie, les retraitants viennent ici pour un temps de "désert".
- Un temps, précise l'abbé où l'on prend des distances, où l'on se protège de tout ce qui est immédiat, des nouvelles du monde, des relations humaines, du bruit et de l'agitation. Le silence est la condition pour écouter la parole de Dieu, continue le P. Vladimir. Nous ne sommes pas muets, mais nous parlons de façon mesurée et utile.
Au cours des repas pris en musique, les échanges entre les convives de l'hôtellerie passent par les regards, les gestes. Au bout d'une journée, la règle s'observe sans effort. On se passe très bien de mots. Pour le moine comme pour le retraitant, la participation aux sept offices liturgiques rythme la journée.
- L'intercession est au coeur de notre vocation, insiste le prieur, frère Gilles. Même si cela n'est pas toujours visible, nous avons le souci du monde et une responsabilité vis-à-vis de ceux qui y vivent.
Dès 4 h 30, une cloche discrète invite les retraitants les plus courageux aux vigiles.
- La nuit, consacrée au sommeil, est coupée en son milieu pour hâter le sommeil spirituel, explique frère Gilles.
Dans la paix de la nuit, l'église résonne d'une seule voix de la louange de Dieu, tandis que la lumière de l'aube blanchit les vitraux. La joie du matin illumine la prière des laudes, célébrées au grand jour :
"Eveille-toi ma gloire, le coeur assuré, éveillez-vous harpe, cythare, que j'éveille l'aurore." (Ps 9.)
Vers 20 heures, le dernier office, celui des complies, sera célébré dans une quasi-obscurité :
"Dans la paix, moi aussi je me couche et je dors. Car tu me donnes d'habiter, Seigneur, seul dans la confiance." (Ps 4,9).
- Ce rappel régulier de la prière produit un effet apaisant, libérateur, souligne le frère hôtelier Pierre-Marie, qui confie voir souvent arriver des hommes et des femmes en souffrance qui repartent "avec un autre visage". Certains affirment que nous sommes le paratonnerre de Cannes, que le diable se décharge sur nous, poursuit en riant frère Pierre-Marie. Plus modestement, nous tentons d'être un témoignage qui invite à la réflexion, comme un point d'interrogation dans la baie de Cannes.
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(source : Pélerin n° 6504 du jeudi 26 juillet 2007 ; wikipédia, l'encyclopédie libre)
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( pour me contacter : michellefouineur@gmail.com )
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Publié dans patrimoine

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