Le petit courrier du "Ver luisant" (par H. Meguin)
J'estime que le devoir d'un journaliste est de propager la bonne parole. Pour l'édification de nos lecteurs et à toutes fins utiles, j'ai cueilli les lignes suivantes dans le "Petit Courrier" du Ver Luisant, organe quotidien du soir, sous la signature de "Tante Églantine" :
Jeune coquette - Les taches de rousseur s'enlèvent en frottant énergiquement la peau avec du papier de verre.
Un chasseur endurci et malchanceux - Si vous ne réussissez pas avec les cartouches ordinaires, je vous conseille vivement l'emploi des lance-flammes et des gaz asphyxiants. C'est foudroyant sur les lapins et les perdreaux jusqu'à une distance de cinquante centimètres.
Petite Pâquerette esseulée - Je ne crois pas qu'on doive effeuiller les marguerites de gauche à droite pour obtenir une réponse favorable. En tout cas, vous pourriez toujours essayer de droite à gauche.
Anne, ne vois-tu rien venir ? - Votre fiancé est parti pour l'Afrique depuis 1902 et vous ne recevez plus de ses nouvelles ? Qu'est-ce que cela prouve ? On a vu pire que cela, vous savez ! D'ailleurs, il ne faut jamais désespérer de rien. Quant à la recette demandée pour ramer les petits pois, il est essentiel de n'employer que des rames solides et de bonne longueur. L'idéal serait de vous procurer celles qui ont servi dans la dernière course d'avirons Oxford-Cambridge.
Petite curieuse de tout - Mais non, madame, mais non ! vous n'y êtes pas ! Je ne vous ai jamais dit d'accrocher les tableaux de votre salon après des clous de girofle, ni de mettre des clous de charpentier dans le vin chaud ! Vous faîtes exactement le contraire de ce que je vous conseille !
Un acteur découragé - Voyons ! voyons ! ne vous frappez pas. Si les spectateurs vous envoient des petits bancs, des pommes cuites et des tomates, à votre place, je les revendrais en gros. Il y a là une fortune à faire.
Un pêcheur dans l'angoisse - Quand vos asticots refusent de s'agiter, chatouillez-leur doucement l'abdomen avec une plume arrachée à l'aile gauche d'un chardonneret. Mon arrière-grand-père avait coutume de dire que c'est un procédé souverain.
Bonne pour les animaux - Votre chien est dévoré par les puces, dites-vous ? Rien n'est plus simple que de l'en débarrasser. Voici comment on s'y prend d'ordinaire : enduisez le poil de la bête avec de l'essence ou de l'alcool à brûler. Mettez-y le feu. Vous aurez eu soin de placer l'animal dans un tub plein d'eau bouillante pour achever les puces qui en réchappent. Quand le tout a cessé de flamber, frottez l'épiderme du chien avec de l'eau de Cologne.
Un invité embarrassé - La femme de votre patron vous oblige à manger tous les jeudis soir des petits fours durs comme du bois, qui vous font mal aux dents ? C'est enfantin ! Munissez-vous tout simplement d'une pince à métaux et écrasez-les en ayant bien soin que personne ne s'en aperçoive.
A colonel sans pitié - Pour empêcher vos soldats de sauter le mur la nuit, vous n'avez qu'à faire enduire ledit mur avec de la colle forte ou de la glu. Vous retrouverez les délinquants collés sur place le lendemain matin. Je tiens cette idée d'un arrière-geand-oncle qui avait été capitaine sous la Restauration.
A Roméo timide - Pour vous faire remarquer que la jeune fille que vous aimez sans oser lui dire, les moyens ne manquent pas. J'en passe et des meilleurs, mais quand elle sort, faites partir discrètement des pétards sous ses pas. Si elle est accoutumée à se promener sur le bord de quelque rivière, vous pourriez la pousser doucement à l'eau sans faire mine de rien. Ensuite, vous crierez : "Tenez bon, mademoiselle !" Puis vous piquez une tête et vous la sauvez. C'est bien rare quand une jeune fille n'épouse pas son sauveur !
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Tante Églantine.
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(par H. Meguin)