L'enfer pour une injure ?
(par P. Christien Delorme, prêtre à Lyon)
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Nous ne dirons rien de son identité, pour respecter le secret. Cette personne est scrupuleuse, d'une façon maladive. Chaque jour, elle assiste à la messe, et chaque jour elle ressent le besoin de se confesser auparavant.
- Croyez-vous donc si peu dans la miséricorde de Dieu, pour penser devoir faire quotidiennement repentance pour vos fautes qui sont surtout des traits de caractère ? lui ai-je demandé une fois.
Aujourd'hui, la voilà qui se présente l'esprit particulièrement torturé. Elle est tombée sur ce passage de l'Evangile selon Mathieu où Jésus proclame :
- Celui qui dira à son frère "imbécile" sera passible du jugement. Celui qui dira à son frère "fou" sera passible de la géhenne de feu. (Mt 5, 21-22). Cette personne ne pouvait trouver meilleure justification à sa confession quotidienne.
- Vous vous rendez compte, me dit-elle : l'enfer pour une simple injure ! Mais c'est plusieurs fois par jour que je traite certain de mes congénères avec les qualificatifs "d'imbécile" et de "fou". Si je ne demande pas à Dieu de me pardonner, j'irai au feu éternel !
J'essaye de me montrer rassurant et surtout de tenir un langage juste :
- Dans ses colères contre les hommes de pouvoir, Jésus a prononcé des invectives encore plus violentes que "imbécile" ou "fou". Ainsi, quand il dénonce le comportement de certains pharisiens qu'il qualifie de "sépulcres blanchis" (Matthieu 23, 27) ou de "serpents", "d'engeance de vipère" (Matthieu 23, 33). Les paroles de Jésus sont toujours à comprendre en lien avec l'ensemble de son message. Ce qu'il est venu annoncer c'est l'amour du Père et le Royaume d'éternité pour le plus grand nombre. Pourquoi donc ces paroles terrifiantes au sujet des injures que nous pouvons prononcer parfois machinalement ? Pour "faire choc". Pour nous mettre en garde contre toute attitude méprisante à l'égard de nos frères humains. Pour nous rappeler que l'amour du prochain est primordial et doit s'étendre à tous sans exception. Le disciple du Christ est celui qui doit se prémunir contre toute attitude - même bénigne - de mépris, de racisme, d'exclusion. On dit quelque fois : "Qui vole un oeuf, vole un boeuf". On pourrait également dire : "Qui méprise un peu est capable de mépriser beaucoup".
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(source : Pélerin n° 6510 du jeudi 6 septembre 2007)