Les cartes à jouer !

Publié le par Michel Le Fouineur

Il y a six cents dix ans, en janvier 1397, le Prévôt de Paris, Jean de Folleville, signait une ordonnance qui interdisait "Aux gens de métier, de jouer, les jours ouvrables; à la paume; à la boule, aux quilles ET aux cartes..."
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Cette ordonnance de 1397 tend à prouver que les cartes à jouer existent déjà dans le royaume de France. En fait, elles existent déjà dans l'Europe du Sud, en Espagne, en Italie, et même dans le sud de l'Allemagne. Certains affirment que le principe des cartes à jouer nous viendrait d'Orient : d'Egypte, d'Inde, voire de Chine.
Quoi qu'il en soit, c'est vers la fin du XIVe siècle que le jeu de carte fait son apparition dans le royaume de France. A cette époque, le souverain n'était autre que Charles VI, surnommé par l'Histoire le "Fol". Ce fils aîné de Charles V et de Jeanne de Bourbon, né en 1368, est monté sur le trône en 1380. Ce surnom de "Fol" lui a été donné en raison... de sa déraison.
En 1392, Charles VI et sa suite décident de quitter Le Mans pour se diriger vers Angers et la Bretagne. Traversant une forêt, le roi est arrêté par un pauvre diable, sorti des bois, qui prend les rênes du cheval royal et lance au souverain :
- Roi, ne chevauche plus avant, mais retourne, car tu es trahi !
Interloqué, le roi ne parvient pas à se dégager seul de cet importun ; ce sont des gens d'armes qui l'éloignent. Mais le roi Charles est ébranlé par ce qu'il vient d'entendre.
Un peu plus tard, il tressaille de peur en entendant une lance tomber sur le casque d'acier de l'un de ses pages. Croyant en la trahison annoncée, Charles VI sort son épée et se met à crier : "Avant, avant sur ces traîtres !"
Il fonce sur sa troupe, tue et blesse quelques personnes de sa suite avant d'être finalement maîtrisé. Les médecins annoncent que le roi est devenu fou... Désormais, son règne va voir alterner périodes saines et instants d'égarements.
Mais quel est le rapport entre ce Charles VI le Fol et les cartes à jouer ? Nous savons, grâce à plusieurs témoignages que "jouer aux cartes" devint l'un des passe-temps de ce roi pendant sa maladie. On a même trouvé sur un compte, dans un registre du trésorier du roi, Charles Poupart, cette dépense : "Donné à Jacquemin Gringonneur, peintre, pour trois jeux de cartes à or et à diverses couleurs, de plusieurs devises, pour porter devers le dit seigneur-roi, pour son ébatement (c'est-à-dire pour son plaisir) 56 sols parisis."
Il n'en faut pas plus pour faire de ce Jacquemin Gringonneur l'inventeur du jeu de cartes ! Pourtant, c'est aller un peu vite en besogne. En réalité, le jeu de cartes, tel que nous le connaissons encore aujourd'hui, s'implante en France et en Europe durant le dernier tiers du XIVe siècle et il va très vite obtenir un vif succès avec une diversification des jeux dès le siècle suivant. Les cartiers, installés à Lyon, Rouen ou en Avignon dès la fin du XVe siècle, créent les quatre fameuses enseignes : pique, coeur, carreau, trèfle (d'abord quadrilobé). A côté des enseignes, un autre élément distinctif est fixé au XVIIe siècle : les noms donnés aux figures. Les Rois se nomment César (carreau), Alexandre (trèfle), Charlemagne (coeur) ert David (pique). Les Dames, Pallas (pique), Argine qui est l'anagramme de Regina (trèfle), Rachel (carreau) et Judith (coeur). Enfin les Valets sont Ogier, le Danois, un preux chevalier de Charlemagne (pique), Lancelot du Lac (trèfle), Hector, officier de Charles VII (carreau) et enfin Lahire (coeur).
Lahire ! Voici justement un bel exemple de personnage célèbre en son temps, sans doute oublié de nos jours et qui se trouve évoqué sur nos jeux de cartes. Ce Lahire, ce valet de coeur, fut un célèbre compagnon d'armes de Jeanne d'Arc.
En fait, ce héros qui se nomme Etienne de Vignolles est né à Préchacq, dans les Landes, vers 1390. Très vite, il est repéré pour son adresse et son ardeur au combat et accepte de mettre son épée et son savoir-faire au service du roi Charles VI, puis du futur Charles VII qui n'est encore que le Dauphin.
En 1418 il participe au siège de Coucy où il fit preuve d'une telle vaillance qu'il est rapidement surnommé "La Hire" c'est-à-dire 'la colère". Etienne de Vignolles vient d'entrer dans l'Histoire ! Et il y est entré par la grande porte car il se distingue dans toutes les batailles face aux Anglais. In rencontre Jeanne d'Arc en avril 1429. Il la salue au château de Chinon lorsqu'elle rencontre le futur Charles VII pour la première fois. Dès cette entrevue, il croit en elle et n'hésite pas à s'écrier qu'il la suivra partout où elle ira ! Et c'est ce qu'il va faire ; il tiendra cette promesse !
Quelques mois plus tard, lorsque Jeanne d'Arc est trahie, arrêtée, livrée aux Anglais et condamnée comme hérétique, personne ne tente de la sauver des griffes de ses ennemis, pas même le roi Charles VII. Personne... sauf un : La Hire ! A la tête d'une troupe de cent lances, il descend la Seine et se jette littéralement sur une armée anglaise mille fois supérieure. Hélas, il se fait arrêter aux portes de Rouen où il ne peut empêcher la mise à mort de Jeanne d'Arc, en 1431. Lahire fut décidément le seul "valet de coeur" de la chevalerie française !
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(source : Frédérick Gersal, chroniqueur historique à France 2, à France-Info et à France Bleu ; Notre temps/jeux octobre 2007)

Publié dans coin des curieux

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