Sarzay - Le château.

Publié le par Michel Le Fouineur

Depuis un quart de siècle, cet ancien employé d'EDF restaure pierre par pierre une citadelle du XIVe siècle non loin de Châteauroux (France). Suivons le châtelain...
- C'est le plus beau du monde ! s'exclame Richard Hurbain en désignant son château sis à Sarzay, petit village du Berry, à quelques kilomètres de la Châtre.
Certes, l'édifice a belle allure avec ses cinq hautes tours de plus de trente mètres serrées les unes contre les autres, cernées d'un rempart. A soixante-deux ans, l'homme peut être fier de l'allure de cette citadelle médiévale qui occupe sa vie depuis vingt-cinq ans. Un quart de siècle qu'il trime jour après jour pour remettre sur pied l'édifice construit par le seigneur Jehan de Barbançois vers 1350, qui a connu des fortunes diverses. Lorsque Richard Hurbain en fait l'acquisition en 1982, Sarzay mérite son classement de "chef-d'oeuvre en péril". Inhabité depuis plus de deux siècles, il sert d'annexe à la ferme voisine. Les poules dans la chapelle, les cochons au rez-de-chaussée, des lézardes impressionnantes dans les tours, les douves comblées par des siècles de détritus... Il y a là largement de quoi décourager les meilleures volontés, mais pas celle de notre futur châtelain, qui réside alors dans un pavillon à Montfermeil dans la région parisienne. Employé à EDF, il s'est déjà essayé à la rénovation d'une ruine en Bretagne. L'heure est venue de sauter le pas. Il rêve d'un vieux château comme ceux qu'il voyait enfant en partant en vacances, le long de la Nationale 7, à la hauteur de la vallée du Rhone. Son épouse Françoise, infirmière libérale, est d'accord.
Leurs enfants, trois fils de cinq à onze ans à l'époque, n'auront qu'à suivre.
- Vends château féodal, architecture exceptionnelle, avec deux hectares de terrain.
L'annonce attire l'oeil de Richard Hurbain.
Trois cent kilomètres plus tard, la famille suit la visite guidée des ruines de Sarzay et signe, sitôt sortie, la promesse de vente pour moins de huit cent mille francs de l'époque (cent vingt-deux mille euros). Démarre alors un incroyable travail de déblaiement du site, à commencer par les douves dont on extrait huit cent tonnes de gravats, des carcasses de voitures, des ossements d'animaux ainsi que des milliers de morceaux de faïence bleu et blanc, vestiges du service de table des seigneurs de Sarzay. Dans le même temps, Richard Hurbain a constitué des dossiers de demande d'aides aux Monuments historiques, le château étant classé depuis 1912. Mais pour son malheur, il n'a pas fait les choses dans le bon ordre, trop impatient de se mettre à l'ouvrage, sans attendre toutes les autorisations et les avis des architectes qualifiés. Par retour du courrier, il se retrouve alors convoqué au tribunal correctionnel de Châteauroux pour non-respect des règles en vigueur.
La sentence n'impressionne pas le bonhomme, qui déniche les relevés de l'ensemble aux archives départementales de l'Indre et s'attaque à la restauration du gros oeuvre. Autodidacte, il n'a pas son pareil pour trouver les bons matériaux, reconstituer un mur dans l'esprit du Moyen Âge et même construire une halle de soixante-quinze mètres de long sur le modèle de celle d'un village voisin... sans erreur de proportion. Au passage, il a réussi à se faire muter dans la région par EDF... comme releveur des compteurs. Qu'à cela ne tienne. Il visite deux fois par an quarante-cinq mille de ses voisins dans un rayon de trente kilomètres. Plutôt méfiants au départ, ils se laissent finalement convaincre par son énergie sans limite et sa chaleur humaine - il tutoie tout le monde. Petit à petit, es Berrichons séduits lui fournissent les vieux matériaux susceptibles de l'aider et prennent sa défense dès qu'il le faut. Car du côté des pouvoirs publics, inutile d'attendre grand-chose. En vingt-cinq ans, il n'a obtenu que cinquante mille francs d'aides cumulées (sept mille six cent vingt euros). Et surtout bon nombre de péripéties judiciaires et autres redressements d'impôts pour déductions abusives de frais de travaux pourtant autorisés. Les services fiscaux n'admettent pas qu'un châtelain se charge de manier la truelle et la scie !
Vingt-cinq ans après l'arrivée de la famille Hurbain, Sarzay poursuit sa formidable mue. Richard, en retraite depuis dix ans, s'attaque désormais aux planchers du troisième étage.
- Cela nous permettra d'exposer les belles faïences retrouvées dans les douves, dit-il.
De son côté, Françoise assure ses permanences et ses tournées d'infirmière, tout en accueillant les visiteurs qui ont réservé une chambre dans la jolie maison d'hôtes ouverte dans les communs. Au pas de l'homme, Sarzay redevient ce "castel assez élégant, un carré long renfermant à tous les étages une seule pièce avec quatre tours contenant de plus petites chambres aux angles", comme le décrit Georges Sand, l'enfant du pays, née à Nohant à quelques kilomètres de là.
Un jour, Richard Hurbain a fait visiter les lieux à l'un des derniers descendants des seigneurs de Barbançois, qui lui a remis avec émotion la devise de sa famille : "La fortune sourit aux audacieux et repousse les limites". Jour après jour, cet éternel passionné justifie la seconde partie de la formule. Pas la première. Au fait, n'aurait-il pas déniché quelques lingots d'or enfouis sur ses terres ?
- Jamais. Le trésor, c'est le château.
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Marie Lauriot ; Notre Temps/Jeux septembre 2007)

Publié dans patrimoine

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