Les scouts français.

Ils s'appellent Lucile, Paul, Juliette... Ils ont entre 16 et 25 ans et font partie des 1000 Français qui rejoindront 40.000 autres scouts venus de 150 pays pour participer au 21e Jamboree international du 27 juillet au 8 août 2007, en Angleterre. Douze jours durant, ces jeunes mus par le même idéal se retrouveront à Chelmsford, à 50 km au nord-est de Londres, pour commémorer les 100 ans de la fondation du scoutisme par Robert Baden-Powell.

Le Jamboree ! Aucun risque qu'elle l'oublie. Sur le calendrier accroché au mur de sa chambre, Lucile, 17 ans, a biffé d'un trait jaune fluo la date du 24 juillet, jour du départ de son groupe pour l'Angleterre.

- Voilà près d'un an que je m'y prépare. 40.000 filles et garçons venus des cinq continents pour fêter les 100 ans du scoutisme, je n'aurais voulu rater ça pour rien au monde ! Ce voyage, c'est l'aboutissement d'un projet qui a soudé encore plus fortement notre groupe, s'enthousiasme la jeune fille.

Pour financer leur participation - trajet et frais de séjour compris - à cette fête exceptionnelle, les 18 pionniers des Scouts et Guides de France du groupe de l'abbé Carpentier, à Abbeville (Somme), dont Lucile fait partie, devaient réunir la coquette somme de 23.400 €, soit 1.300€ par personne. Pour cela, chacun d'eux a "sacrifié" deux week-end par mois depuis la Toussaint 2006 pour collecter la somme nécessaire. Certains ont confectionné des paquets cadeaux dans une grande surface, d'autres ont repeint des appartements, d'autres encore ont débroussaillé des sites forestiers.

- C'est d'autant plus méritoire que beaucoup d'entre eux devaient réviser le bac ou le brevet des collèges, souligne Gilles Brouillard, 33 ans, le responsable du groupe. Grâce à ces jobs en extra, à des dons privés, mais aussi à la générosité des parents et à une aide de l'organisation scoute du département, le budget a été finalement bouclé à temps.

Paul, 16 ans, sera lui aussi du voyage. Dans l'attente du jour J, ce blond longiligne aux yeux clairs a du mal à rester en place. Son sac à dos est déjà fin prêt : du douillet duvet à l'indispensable couteau suisse, sans oublier les foulards jaunes et noir aux couleurs de son groupe pour échanger avec les 40.000 autres scouts des différents pays qu'ils doivent retrouver à Chelmsford. C'est là, dans le parc de Hylands, sur plus de 100 hectares, que les organisateurs britanniques ont choisi de bâtir une véritable petite ville - dont un "quartier" français - avec ses restaurants et ses cybercafés équipés d'ordinateurs dernier cri, une poste, des salles de spectacles et même une base nautique sans oublier une cathédrale, un temple, une mosquée, une synagogue. Veillées, fêtes, sports, conférences : Paul est bien décidé à participer au maximum d'activités. Mais son voeu est d'abord de "rencontrer le plus grand nombre des couts étrangers pour savoir comment se pratique le scoutisme ailleurs, en Asie, en Amérique, en Afrique".

Juliette, 17 ans et demi, a déjà décidé que le moment le plus émouvant du Jamboree sera l'opération "lever du soleil" prévue le 1er août.

- Ce matin-là, explique la jeune fille, pour fêter les 100 ans de scoutisme, les quelque 35 millions de scouts du monde entier seront invités à renouveler leur "promesse", ce texte qui nous engage à servir notre prochain et que nous prononçons dès notre arrivée dans le mouvement.

Cette cérémonie "au soleil levant" sera aussi l'occasion de commémorer le premier camp scout organisé le 1er août 1907, sur l'île de Brownsea, dans le sud de l'Angleterre, par le fondateur du mouvement scout, le général Baden-Powell.

- Histoire de se mettre déjà dans l'ambiance, Gilles, notre responsable qui est prof d'anglais, a organisé un "trivial pursuit" sur la Grande-Bretagne, son histoire, sa géographie, sa culture, raconte Juliette. Et durant nos derniers week-end scouts, nous avons pris des petits déjeuners typiquement britanniques - thé, saucisse, oeuf au bacon et marmelade - histoire de nous habituer à la nourritur, explique-t-elle avec le sourire.

A Perpignan (Pyrénées-Orientales), Florianne, 24 ans, responsable des 24 pionniers Saint-Paul qui se rendront en Grande-Bretagne, a elle aussi mis l'accent sur l'anglais. Et a fixé à chacun un objectif : revenir avec un carnet plein d'adresses et de contacts.

- Nous nous recentrerons également sur des temps de partage et de prières qui sont fondamentaux lors d'un tel rassemblement, ajoute-t-elle.

Échanges de badges, soirées guitare au coin du feu, spectacles, chants et prières : autant d'images un peu "cliché" qui n'effraient en rien Virginie, 22 ans, responsable des Éclaireurs de France à Bourges (Cher), un mouvement laïc qui enverra 15 adhérents à Londres.

- Si les jamborees sont fréquentés majoritairement par des jeunes chrétiens, il y a aussi des participants de religions et de sensibilités différentes, réunis par les valeurs de fraternité, de solidarité et de citoyenneté, souligne la cheftaine.

D'ailleurs, elle-même a proposé à ses jeunes de participer aux activités de l'espace "foi et croyance", afin de leur faire découvrir les religions du monde.

- Une proposition qui les a vivement intéressés, constate Virginie. Tous se posent des questions et ont envie de savoir comment les bouddhistes prient, pourquoi les juifs et les musulmans ne mangent pas de porc, et quelles sont les similitudes entre le christianisme, le judaïsme et l'islam.

Par un souci de transparence, Virginie a tout de même informé les parents :

- Plus réservés que leurs enfants, certaines familles avaient manifesté des inquiétudes, craignant que leurs enfants ne soient embrigadés. Je leur ai expliqué que les valeurs scoutes étaient incompatibles avec le racolage religieux et ils ont été rassurés.

De fait, depuis un siècle, l'objectif du scoutisme est de montrer qu'au-delà des différences, des jeunes de tous pays et de toutes croyances peuvent se retrouver autour d'un même projet de vie. Le 21e jamboree international devrait confirmer, s'il en était besoin, que cet idéal peut être une réalité.

¤¤¤¤¤

(Luc Balbont ; Pélerin n° 6504 du jeudi 26 juillet 2007)