Qui veut boxer l'amateur ?

Publié le par Michel Le Fouineur

Dans les foires d'antan, les attractions vedettes étaient le "mur de la mort" et la "baraque de lutte". Le lorrain d'adoption Akli Meghez en a tenu une. Souvenirs.
Il a fière allure, Jackson (alias Jacques Scherrer), avec ses 120 kg, son costume croisé et son Stetson vissé sur la tête.
- Un vrai gentleman, qui m'a tout appris, se rappelle Akli Meghez en évoquant les années 60. Pour l'heure, le petit Kabyle de Tizi Ouzou, qui a fait son service avec Roger Piantoni et Roger Houvion à la caserne Blandan de Nancy (54), est dans la foule, prêt à relever les défis du bonimenteur.
Akli est un "baron", c'est-à-dire un comparse, un boxeur amateur qui, chaque fin de semaine pendant sept ans, va se hisser sur le podium pour affronter Joe Bronx. L'ambiance est électrique mais bon enfant dans ces années 60 qui sentent le pastis, l'accordéon et le populo. Haranguant le public, Jackson fait monter l'adrénaline. Akli Meghez se souvient mot à mot de son discours :
- Avancez bien près. L'Arène des sports vous salue. On va vous offrir la toute première représentation. J'ai l'honneur de vous présenter la jeune troupe. Et tout d'abord le boxeur noir Mustapha, qui va vous donner un aperçu de son entraînement. Une petite démonstration de saut à la corde pour travailler le souffle ainsi que le jeu de jambes... Ah, il est content, Mustapha, il a reçu sa fiancée ce matin de Douala".
Jackson continuait :
- Voici à présent Joe Bronx, le boxeur noir américain (en fait un Sénégalais) dans un exercice de "punching ball" et de "boxing shadox". Et je vous présente le Nancéien Ted Robert (de son vrai nom Léonard), un lutteur de gréco-romaine qui pèse 65 kg mais accepte toutes les catégories. Ensuite, voici Franck l'Alsacien de Strasbourg et ses 8 kg (en vérité un Parisien nommé Megro, devenu paraplégique après une mauvaise chute dans un match de catch contre Toni Moldoni).
Jackson faisait avancer après cela Mario le judoka, puis le méchant de la bande, l'Allemand Eric Muller (Parisie lui aussi, mais blond comme les blés). Un autre "baron" dans l'assistance, Saïd Kabache, le provoquait :
- Je veux faire la "loute" arabe avec lui.
- Qu'est-ce que c'est ? demandait Jackson.
- On casse tout ! répondait Kabache.
Mais Muller se défilait en lâchant un méprisant :
- Nein, nein, Scheiss..., qui lui valait la bronca de la foule :
- Dégonflé ! Raciste !
Après les combats, bras dessus, bras dessous, les lutteurs allaient boire ensemble, ce qui épatait les spectateurs :
- En fait, on était comme les doigts de la main. Jackson nous respectait, nous payait bien et nous gavait : on pouvait egloutir trois poulets si on voulait.
Le super-léger Akli Meghez, qui a travaillé dans une sucrerie de Montreuil, une filature de Tourcoing et une chaudronnerie de Golbey, n'est pas un grand champion de boxe, mais il es vif, bosseur et intelligent. Jackson le parraine quand il lance sa propre "Arène des sports" en 1965 à la foire de Poussay dans les Vosges :
- Lui faisait les grandes fêtes foraines, dont celle du Trône, moi les petites avec Francine mon épouse, originaire de Golbey.
Avec leur 1000 kilos Renault, qui consommait plus d'huile que d'essence, ils écument la Lorraine, dorment sur le ring quand ils ne peuvent pas se payer l'hôtel et découvrent un lutteur hors pair, Claude Dubail, le "Petit Prince" d'Héricourt en Haute-Saône, qui va percer aux USA.
Plus tard, Akli Meghez achètera des manèges forains et se lancera dans la brocante, avant de prendre sa retraite près de Golbey. Il rêve aujourd'hui de rencontrer l'écrivain à qui il dictera le roman de sa vie. Comme aurait dit Jackson :
- Qui veut relever le défi monte sur l'estrade.
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Pour tout contact avec Akli Meghez, Sanchey (88)
tél. 06.86.25.89.94 ou 06.10.88.25.24
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(source : est magazine, supplément à l'Est Républicain du dimanche 12 août 2007)

Publié dans personnage

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