Faut-il en finir avec la retraite à 60 ans ?

Publié le par Michel Le Fouineur

(par René Poujol, directeur de la rédaction, Pélerin)
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On doit reconnaître à la présidente du Medef un certain sens de la provocation. En évoquant, ces derniers jours, l'hypothèse d'un report à 61 ans puis 62 ans de l'âge légal du départ à la retraite, elle était assurée de voir se lever un front syndical uni. Ce qui n'a pas manqué de se produire. Que l'avenir des retraites soit incertain et demande à être consolidé, chacun en est conscient. Que l'augmentation généralisée de l'espérance de vie, qui renchérit le coût des retraites, rende légitime la perspective d'un allongement de la durée des cotisations, beaucoup parmi les syndicats l'admettent, même si tous ne le disent pas ouvertement. Mais agiter, comme le fait Laurence Parisot, l'épouvantail du report de l'âge de la retraite n'est peut-être pas la meilleure manière de faire adhérer l'opinion à des évolutions sans doute inéluctables.
Qu'on le veuille ou non, la "retraite à 60 ans" reste le symbole d'un progrès social. Et l'on ne touche pas impunément aux symboles. Pas plus qu'on ne revient aisément sur les avantages acquis. De plus, à quoi cela sert-il de continuer à prendre pour référence des âges "plancher" lorsqu'on sait qu'aujourd'hui, une majorité de Français quittent le monde du travail avant l'échéance légale ? Il y a quelque cynisme, de la part du patronat, de proposer cela alors même qu'il se montre largement incapable de gérer les fins de carrière au-delà de la cinquantaine, par manque de motivation et de formation des salariés.
La vraie réforme, nécessaire, envisageable, même si elle doit être douloureuse, ne doit pas porter sur un âge couperet, identique pour tous et, de ce fait, injuste. Elle doit permettre de définir une durée raisonnable des cotisations qui tienne compte, certes, du coût de l'allongement de la vie, mais aussi des différences de pénibilité du travail et donc d'espérance de vie entre catégories sociales. Un ouvrier meurt en moyenne sept ans plus tôt qu'un enseignant. En 1981, formidable progrès, la retraite à 60 ans permettait, déjà, à un ouvrier ayant commencé à travailler à 16 ans de ne pas attendre son 65e anniversaire pour souffler enfin. Pourtant, si la réforme avait consisté plutôt à majorer, par anticipation, de 150 à 160 trimestres la durée de cotisation, le même ouvrier aurait pu partir... dès 56 ans ! De grâce, ne recommençons pas, vingt-cinq ans plus tard, les mêmes erreurs.
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(source : Pélerin n° 6510 du jeudi 6 septembre 2007)

Publié dans opinion

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