Saute avec les dauphins.
Le Bourguignon David Lusseau a suivi les grands dauphins. Avec un seul but : décrypter leurs sauts.
Étonnant destin que celui de David Lusseau (32 ans). Terrien né à Dijon et parti chercher fortune en mer. Les pieds dans un bateau, les yeux rivés sur les Tursiops, les grands dauphins. A 18 ans, le jeune homme a pris la direction de Nice avec l'objectif d'intégrer une université américaine. Ce sera Florida Tech, au nord de Miamai.
- L'une des dix meilleures écoles de biologie marine au monde, confie-t-il.
Juste une étape. Il traverse les Etats-Unis pour se rendre dans l'Etat de Washington, puis la planète pour traquer les grands dauphins (Tursiops) dans les fjords de Nouvelle-Zélande. Le voilà désormais à Halifax, dans les frimas canadiens de la Nouvelle-Ecosse. Il sourit :
- Heureusement, le réchauffement climatique a du bon.
Un parcours vécu comme une vocation née d'une multitude de hasards. Les films du commandant Cousteau, le camping au bord de l'océan, le club de plongée... Il s'est simplement immergé dans sa passion. Chercheur ? Assurément.
- Mais pas océanographe. Je suis plutôt un sociologue de la mer. Je travaille sur les interactions entre les dauphins, confie-t-il en cherchant ses mots.
Cela fait près de quinze ans qu'il ne vit plus qu'en Anglais. Mais bon, lui s'intéresse à un autre langage : celui des grands dauphins et, plus particulièrement, les Tursiops, les plus imposants et, peut-être, les plus évolués d'entre eux.
- Le volume et la complexité de leur cerveau par rapport à leur taille est impressionnante. Elle peut être mise en parallèle avec l'homme.
Pas d'anthropomorphisme pour autant dans le propos.
- Beaucoup de points montrent que les grands dauphins ont une vie complexe. Mais leur intelligence a suivi un chemin parallèle au nôtre. Leur perception du monde est, par exemple, différente. Nous utilisons la vision et eux l'acoustique.
Au milieu des versatiles fjords néo-zélandais, David Lusseau a cherché à donner un sens au plus surprenant langage des Tursiops : celui des sauts. Ceux-ci avaient été répertoriés. Ne restait plus alors qu'à comprendre comment ils se déclenchaient. A l'arrivée, une giclée de trouvailles et quelques anecdotes.
- Le bateau ne mesure que 4,50 m, la taille des plus gros adultes mâles adultes.
Le fameux splash du dauphin (saut très haut et atterrissage sur le côté dans un énorme fracas) donne souvent au groupe le signal du départ. Il est temps de prendre la mer. A l'inverse, quand l'animal se met sur le dos et frappe la surface de sa queue, le groupe s'arrête.
- Le nombre de claques est lié avec ce qui va se produire ensuite, explique David Lusseau. De un à cinq, par exemple, les dauphins ont de grandes chances de se mettre à manger. Dans les deux cas, les messages sont portés par des animaux qui assurent en quelque sorte les "Public Relation" du groupe.
Attention, les échanges virent parfois au rouge quand un animal se dresse sur sa queue pour faire émerger sa tête et montrer son ventre blanc.
- Là, il s'agit d'un comportement agressif. Il faut impressionner l'autre.
Et pas seulement émerveiller les touristes ou les objectifs de passage. Flipper n'est pas qu'un comédien...
(source : est magazine du dimanche 8 juillet 2007)