Qui était Anne-Marie Javouhey ?

De la Guyane à Tahiti en passant par Brest ou Senlis, de nombreux établissements scolaires portent son nom. Pourtant, Anne-Marie Javouhey (1779-1851), fondatrice des soeurs de Saint-Joseph de Cluny (qui célèbrent leur bicentenaire cette année), reste méconnue en France. C'est en 1950 que le pape Pie XII béatifia cette religieuse entreprenante.

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Rochefort, le 10 janvier 1817 : L'éléphant, un trois-mâts de la marine marchande française quitte le port à destination de l'île Bourbon (qui deviendra la Réunion), dans l'océan Indien, avec à son bord quatre religieuses.

Sur le quai, une femme regarde la scène avec grande émotion et pleine confiance en la "sainte volonté de Dieu". Cette femme, c'est Anne-Marie Javouhey, la supérieure générale des soeurs de Saint-Joseph de Cluny, une jeune congrégation fondée dix ans auparavant. A la demande du ministre de l'Intérieur, Mère Javouhey a accepté d'envoyer au loin quatre de ses religieuses pour ouvrir des écoles sur l'île Bourbon. C'est le début d'une grande aventure missionnaire. Enthousiaste et déterminée, Anne-Marie Javouhey n'a pas 40 ans, mais elle a déjà relevé bien des défis.

Née en Bourgogne en 1779, elle s'est fait remarquer durant la Révolution en aidant des prêtres réfractaires. A 19 ans, elle se consacre solennellement à Dieu et s'engage à vouer sa vie à l'éducation de la jeunesse et au service des malades. Son père s'oppose à ses projets ? Elle lui écrit :

"Tous vos refus ne me décourageront pas. Je crois qu'il fudrait m'arracher le coeur pour m'en ôter le désir."

Après bien des tâtonnements, Anne-Marie comprend qu'elle est appelée à créer une congrégation. Le 12 mai 1807, elle prononce ses voeux religieux en l'église Saint-Pierre de Chalon-sur-Saône, en compagnie de ses trois soeurs cadettes. Placé sous le patronnage de saint Joseph, le nouvel institut prend son nom définitif lorsque la maison mère s'installe dans un ancien couvent des Récollets, situé à Cluny (Saône-et-Loire).

Mère Javouhey ouvre des écoles en Bourgogne puis à Paris. La renommée de ses religieuses est telle qu'on les appelle non seulement à la Réunion, mais aussi au Sénégal, en Guyane, à Pondichéry, en Polynésie... Mère Javouhey brûle du désir de s'impliquer elle-même. En 1822, elle part pour l'Afrique, persuadée qu'on peut y faire "un grand bien". Mais la principale affaire de sa vie est sans doute l'action qu'elle va mener en Guyane. Là où les colons ont échoué, elle réussit à créer, sur les bords de la rivière Mana, un village prospère et paisible, "un nouveau Paraguay où le Seigneur est servi et glorifié." Elle aide des centaines d'esclaves nouvellement affranchis à se préparer, matériellement et spirituellement, "au grand bienfait de la liberté". Elle se consacre aussi aux lépreux, dans le domaine de l'Acarouany. Son action lui vaut les louanges et lesoutien du poète Lamartine, du prêtre écrivain Lamennais et du roi Louis-Philippe qui s'exclame :

- Madame Javouhey ? Mais c'est un grand homme !

En France, son esprit d'initiative se manifeste par la fondation d'un hôpital psychatrique à Limoux (Aude) ainsi que par la création du premier séminaire destiné à former des prêtres africains.

Curieusement, c'est à l'intérieur même du clergé qu'elle se heurte aux plus fortes oppositions. Durant son second séjour en Guyane, elle est même privée, pendant deux ans, des sacrements de l'eucharistie et de la confession ! Malgré tout, elle tient bon et constate avec joie que les novices affluent.

- Ma confiance en Dieu est toute ma force et mon espérance, écrit-elle.

Anne-Marie Javouhey est décédée le 15 juillet 1851, laissant plus d'un millier de soeurs de par le monde entier. Elle a été béatifiée le 15 octobre 1950 par le pape Pie XII. Désormais, comme le dit en souriant soeur Marie-Cécile, ancienne secrétaire générale de la congrégation, "pour sa canonisation, il ne nous manque plus qu'un miracle !"

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Site Internet de la Congrégation des soeurs de Saint-Joseph de Cluny : cliquer ici.

(source : Xavier Lecoeur ; Pélerin n° 6502 du 12 juillet 2007)